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5 avril 2024

Ep. 1 : Les Petites Histoires des Grandes Transformations (et vice versa)

Quand la réalité dépasse la théorie : confiance, autonomie, intelligence individuelle et collective, coopération, lâcher-prise, développement personnel, management de l’efficacité et de la performance…. Autant de mots souvent utilisés, et trop souvent galvaudés pour expliquer les leviers et formaliser les objectifs de la transformation. Rien de tel finalement qu’un petit conte pour exprimer la réalité et la toute-puissance de ces termes.

La Transformation, c’est la Vie

Il était une fois une société d’assurance IARD, mère d’une petite fille d’assurance Vie.
Dès son plus jeune âge, l’enfant avait montré un besoin de dépendance et de liberté et avait connu à la fin des années 90 un réel succès en développant toute son activité sur des techniques de vente à distance auprès de la clientèle de sa société mère.

La petite fille avait acquis, par sa seule volonté et ce dès son plus jeune âge, des compétences et des capacités particulièrement efficaces en matière de vente à distance, qui lui avaient permis de déployer des politiques de fidélisation redoutables, en capitalisant (soyons honnête) sur les avantages fiscaux qui existaient alors, relatifs aux versements sur les contrats d’assurance-vie.

Par ailleurs, l’ancrage mutualiste de la société d’assurance IARD avait conduit à la création d’un lien puissant entre les sociétaires et la mutuelle, lien qui s’avéra fort utile quant au succès des opérations de vente à distance.

Bref, la fillette était alors réputée dans tout l’univers de l’assurance-vie, mais également dans l’univers des acteurs de la vente à distance, pour la singularité de son modèle d’affaires.

Pour autant, au fur et mesure, de gros nuages noirs commencèrent à s’accumuler au-dessus de la petite fille et à rendre les conditions d’exercice de plus en plus complexes, voire difficiles, tant sur le plan fiscal avec la suppression des avantages fiscaux sur les versements, que sur le plan technique avec un plus fort encadrement réglementaire. Tout ceci dans un contexte financier défavorable et une forte montée en puissance des concurrents, ce qui n’arrangeait rien.

La jeune enfant se devait de réagir et d’essayer d’éclaircir son horizon. Son vrai sujet était la faiblesse du renouvellement de son portefeuille. Les techniques de vente à distance étaient très efficaces en fidélisation (80 % des encours étaient détenus par 20 % des souscripteurs sous l’effet des capacités de ciblage), mais elles constituaient une limite réelle en matière de recrutement de nouveaux clients et d’ouverture de nouveaux contrats. Les effets des réseaux physiques sur le développement du marché de l’assurance-vie se faisaient alors sentir au regard de l’arrivée des banquiers et de leurs milliers de points de vente répartis sur tout le territoire.

La petite fille se tourna donc vers sa société mère. Celle-ci distribuait alors ses contrats IARD via un réseau physique, certes plus modeste (moins de 500 agences), mais qui représentait un vrai levier de croissance au travers de la mobilisation potentielle des lutins généralistes qui opéraient historiquement en IARD (auto et habitation du particulier). Ces lutins contribuaient alors de manière très accessoire à la distribution des contrats Vie et avaient été formés aux basiques de l’assurance-vie.

Il existait déjà à l’époque un réseau de lutins financiers, ancrés dans le réseau physique de la société mère, focalisés sur la fidélisation et en nombre insuffisant pour répondre aux ambitions de recrutement exprimées.

La clé était donc de réussir à mobiliser et faire grandir les lutins généralistes qui considéraient jusqu’alors cette activité comme annexe.

Le pari semblait fou car cela représentait une véritable révolution des repères chez les lutins généralistes au regard de leur historique IARD :

  1. Repère commercial : acquérir les postures pro-actives liées à la distribution de produits Vie qui se « vendent » quand l’activité historique IARD s’inscrit davantage dans des approches de produits qui « s’achètent ».
  2. Repère technique : maîtriser davantage les basiques de l’assurance-vie pour se sentir suffisamment armé pour pouvoir en parler, basiques très différents des basiques IARD.
  3. Repère émotionnel : parler assurance-vie, c’est rentrer dans l’intimité des gens, intimité que vous n’avez pas besoin d’explorer pour distribuer des produits IARD.

La mère et la petite fille s’interrogèrent afin d’identifier les meilleurs moyens pour faire en
sorte que ces nouveaux repères soient bien plus naturels pour les lutins généralistes qu’ils ne
l’étaient alors.

Bien sûr des approches classiques de formation technique et commerciale dédiée à l’épargne ont été envisagées. Mais mère et fille partageaient l’idée que ces approches ne seraient pas à la hauteur de la marche à franchir. Elles savaient également que la problématique à traiter était avant tout une question de postures individuelles et collectives et n’était pas liée à une dimension d’offres, de process ou d’outils.

Elles avaient toutes deux pris conscience au travers de ces réflexions qu’il s’agissait d’une transformation d’ampleur qui impliquait une approche et une mobilisation de moyens inédites.

Et la méthode déployée le fût vraiment. Elle était basée sur un principe redoutable, quasimanichéen et pourtant terriblement positif : celui de dire que la réponse face au problème posé, chaque collaborateur la détient au plus profond de lui-même ; que la réponse n’est pas uniforme mais adaptée à chacun en fonction de ce qui lui convient le mieux. Avec cette méthode, on ne dit pas ce qu’il faut faire pour atteindre l’objectif posé (en l’occurrence ici recruter un nouveau client épargne), on définit juste une zone rouge de ce que l’on ne peut pas faire (pour des raisons réglementaires et/ou managériales) et pour le reste, tout est possible à la condition de tester et de mesurer afin de valider l’efficacité du levier exprimé.

Ces leviers étaient donc définis par les lutins (individuellement et/ou collectivement) et pouvaient concerner tout domaine considéré comme pouvant potentiellement constituer un levier de recrutement : un pense-bête collé au sous-main posé sur le bureau de chaque lutin du point de vente, un rebond systémique dans le discours commercial global, un questionnement ciblé, un affichage sur le lieu de vente, un dispositif de solidarité entre les lutins généralistes, des dispositifs de coopérations avec les lutins financiers. Et surtout deux obligations : tester, tester, tester et mesurer, mesurer, mesurer….

Pendant cette période de mise en action (entre 6 à 8 semaines), il convenait d’effectuer des
points réguliers (quotidiens) pour s’assurer que la méthode était appliquée et aussi ajuster les actions à mettre en œuvre.

Et c’est ainsi que sans changer les produits, les process, les systèmes d’information, ni l’organisation, la mère et sa jeune enfant observèrent avec grand bonheur comment chaque point de vente développa ses techniques pour être au RDV de l’ambition fixée. La dynamique impulsée permit implicitement de reconsidérer les postures individuelles et collectives des lutins généralistes, de lever leurs craintes et de gérer toutes les émotions associées à cette activité.

Notamment sur le montant à verser à l’ouverture du contrat qui était la grande peur des lutins généralistes. Et finalement, au lieu d’inviter le sociétaire à effectuer un versement de tel montant, il s’avéra que la simple question « Combien pouvez-vous déposer à l’ouverture du contrat ?» conduisait le sociétaire à proposer un montant qui était quasisystématiquement supérieur à celui que lui aurait demandé le lutin….

L’activité Vie dans le réseau se transforma donc de manière structurelle au travers de la montée en charge des lutins généralistes : croissance des recrutements accompagnée d’une progression substantielle de la prime moyenne à l’ouverture du contrat : de 900 € à 9 000€
…Et la mère fut si impressionnée qu’elle décida de changer le nom de la fonction des lutins généralistes : de Conseiller En Assurances (CEA), il fût décidé de les nommer Conseiller Assurances et Epargne (CAE) !

Mère et fille eurent conscience qu’elles avaient su créer les conditions d’une transformation majeure : quel discours, quelle formation classique aurait pu générer un tel développement ? Aucun ! Et c’est là toute la force de la méthode déployée, qui de manière concrète, fit le pari d’une part de l’intelligence des individus, de leurs capacités à trouver en eux-mêmes les réponses aux enjeux de l’entreprise et d’autre part d’une dynamique managériale alimentant l’autonomie et le climat de confiance nécessaire à l’engagement de chacun.